Légendes Urbaines de Normandie : Fantômes et lieux hantés
L'approche du 31 octobre nous rappelle que la fête d'halloween est une occasion de se raconter des "histoires qui font peur". Le jour des morts, plus souvent fêté dans les pays anglo-saxons, est un jour particulier dans notre calendrier où l'on rend hommage aux défunts. Si la fête d'Halloween n'est pas célébrée dans tout l'Occident, les légendes urbaines, les mystères paranormaux, les manoirs hantés et autres invasions zombie ont imprégnés leur marque dans l'imaginaire collectif européen. En même temps trace du passé et élément incontournable de la culture populaire (ou pop culture), les légendes urbaines ont contribués à exprimer une crainte, celui de voir les morts revenir à la vie que ce soit sous forme de fantôme ou de mort-vivant. L'Horreur au cinéma s'inspire souvent de certains mythes et de certains phénomènes paranormaux qui ont fait du bruit dans les médias comme l'Affaire d'Amytiville ou encore les enquêtes des époux Warren. Si le monde anglo-saxon ne manque pas de paranormal dans son quotidien, la France et plus particulièrement la Normandie a également son lot de lieux hantés à commencer par le Château des Noyers qui figure parmi les lieux les plus effrayants de Normandie avec le Château de Tancarville et l'abbaye de Mortemer. D'autres lieux sont attachés à des rumeurs terrifiantes comme le lac maudit de Flers ou encore le bateau fantôme de Dieppe.
Le Château des Noyers
C'est dans la commune du Tourneur dans le Calvados, à quelque kilomètre de Vire, que se trouve le Château des Noyers, qui semble être l'un des plus hantés de France. Bruits de pas, fenêtres qui tremblent, jets d'objets ou apparition de femmes, depuis des siècles, les légende entourent cette bâtisse bien cachée au bout d'une allée sinueuse, là où la nature a repris ses droit.
Construit en 1835 par la famille De Baudre, le château, aujourd’hui délabré, a été le théâtre de phénomènes inexpliqués. C’est entre 1867 et 1876 que ces faits étranges atteignirent leur paroxysme. L’édifice est alors la propriété de Pauline de Cuissy et de son mari Ferdinand de Lescaudey de Manneville. Ils y résident avec leur fils Maurice, et quelques intendants. Livres projetés contre les murs, voix de femmes, objets qui se déplacent, draps qui se lèvent… Les habitants vivent un enfer au quotidien. Tous ces faits ont été relatés dans des journaux intimes.
Dans celui rédigé par Célina Desbissons, on peut lire : "le 19 janvier 1876 à 1h15, j’ai été réveillée par une galopade à l’étage du dessus, les fenêtres ont tremblé pendant dix minutes, il y a eu des coups sur les portes". En parcourant les manuscrits, on apprend que le propriétaire avait interdit l’accès à la cave à cette époque. Pour quelle raison ? Nul ne le sait… En janvier 1876, un exorcisme est pratiqué. Dans ses écrits, l’homme d’Église relate une scène effrayante : assis sur une chaise, celle-ci s’est mise à trembler violemment. Après cette conjuration, il y a eu une certaine accalmie au sein du domaine.
Selon la légende, la chambre verte serait la plus hantée. L’édile de la commune aurait même vu une tête de femme à la fenêtre. Il y a quelques années, une tête de femme est clairement apparue à la fenêtre de la chambre verte lors d’un son et lumière, les photos qui ont été prises ce soir-là attestent de ce fait. Après le départ du couple en 1876, Mr Decaen, un franc-maçon, achète le château. Ces cas de hantise se font plus rares. Selon de nombreux dires, cet homme était mauvais, un personnage sombre qui a fait fortune en promenant dans la région un squelette de baleine. Certains iront jusqu’à penser qu’il pratiquait dans le château des rituels occultes.
Toutes ces histoires ont suscité la curiosité du GREPP (Groupement de Recherches et d’Etude des Phénomènes Paranormaux) qui, en 2015, est venu mener l’enquête au château. Basé sur la science, « on essaie de démystifier beaucoup de choses, mais il reste des faits inexpliqués. Tout ça, c’est de l’énergie », assure Marguerite Da Silva, l’une des spécialistes.
Au Tourneur, l’équipe n’a pas été déçue. "Nous avons enregistré des voix. Mais le plus étrange reste l’apparition soudaine de cette boule lumineuse énorme. Elle a avancé vers nous avant de disparaître. Nous n’avons jamais pu comprendre ce que c’était".
En revanche, l’équipe a mis un terme à la rumeur sur cette silhouette de femme, repérée à de multiples reprises : il s’agit en réalité d’un effet d’optique.
Aujourd'hui, le château des Noyers est une ruine où la nature a repris ses droits. Une chose est sûre : que vous y croyiez ou non, vous ne repartirez pas de cet endroit serein !
Le Château de Tancarville
Perché en haut d’une falaise qui surplombe la Seine, le château de Tancarville (Seine-Maritime) recense à lui seul, des siècles d’histoire. Il a d’ailleurs été classé en 1862, au titre des monuments historiques.
Bâti au XIIe siècle par la famille de Tancarville, il est passé entre différentes mains, notamment celles de la famille d’Harcourt pour être aujourd’hui un bien privé (il est donc illégal de s’y rendre sans autorisation). Il se compose d’une partie médiévale, de plusieurs tours, et d’une partie plus classique construite par le Comte d’Évreux avant la Révolution.
Au XVe siècle, quelques temps après la guerre de Cent ans, Jeanne d’Harcourt, fille de Guillaume d’Harcourt (propriétaire en ces temps des lieux), y réside avec son époux. Après plusieurs années de mariage, son mari décida de la quitter parce qu’elle était "petite, bossue, et indisposée à avoir des enfants" d’après les recherches menées par Achille Deville, recensées dans son ouvrage Histoire du château et des sires de Tancarville (1834). La légende raconte qu’un soir, elle rédigea son testament. Et le lendemain, le 4 novembre 1488, elle mourut. Coïncidence ? L’histoire ne le précise pas.
Toujours est-il qu’en s’approchant du château, certains auraient entendu des bruits de pas dans la partie la plus récente de l’édifice. D’autres auraient vu de la lumière. Le spectre de Jeanne sans doute…
La légende de la Tour du Diable est sans doute la légende la plus connue. Peu après la Révolution, le château était laissé à l’abandon. Existait déjà alors une tour d’artillerie datant du XVe siècle appelée la tour du Lion. Un jour, des paysans passaient à proximité lorsqu’ils entendirent des bruits suspects et des cris en provenance de cette tour. Apeurés, ils en parlèrent au curé. Peut-être était-ce là les âmes des prisonniers de la tour qui revenaient hanter les lieux ?
L’homme d’église se rendit alors sur place et s’engouffra dans la partie inférieure, là ou la poudre de canon était entreposée. Quand il en est ressorti, il a assuré avoir vu le Diable et lui avoir jeté de l’Eau bénite. D’où le surnom actuel de tour du Diable. Après cet exorcisme, les gens ont muré cette partie inférieure de la tour. Pour tenter d’enfermer ces "esprits" à tout jamais…
L'abbaye de Mortemer
D'après la légende, l'abbaye de Mortemer (Eure) serait la plus hantée de France. Des fantômes y rodent depuis des siècles et les lieux seraient imprégnés d'une étrange atmosphère. Située dans un parc de 18 hectares, l'abbaye de Mortemer (Eure) est, selon la légende, la plus hantée de France. Bâtie au XIIe siècle par le quatrième fils de Guillaume le Conquérant, cette abbaye royale de Normandie affiliée à l’ordre Cistercien est classée au titre des monuments historiques depuis 1966. Au fil des siècles, les histoires de fantômes ont imbibé les lieux, et ont parcouru les quatre coins du pays.
L’une des légendes les plus prenantes est celle de Mathilde l’Emperesse, qui apparaîtrait aujourd’hui sous les traits d’une Dame Blanche. Petite-fille de Guillaume le Conquérant et grand-mère de Richard Ier Cœur de Lion, la jeune femme était quelque peu « frivole ». Pour tenter de l’assagir, son père l’enferma dans l’abbaye pendant cinq ans. Comble de sa punition, elle fût dépossédée du trône d’Angleterre. Elle mourut en 1167, à l’âge de 60 ans, et repose aujourd’hui dans un tombeau de la cathédrale de Rouen.
A-t-elle nourri un désir de vengeance à cause de cet enfermement ? Peut-être. "Elle était tellement malheureuse à Mortemer qu’elle y reviendrait les soirs de pleine lune" , précise Jacqueline Charpentier-Caffin, présidente de l’association de l’abbaye de Mortemer, et propriétaire des lieux. Si vous la croisez avec des gants blancs, cela laisse présager un heureux événement. Si elle a des gants noirs, c’est un signe de mort.
En août 1986, un témoin affirme avoir entendu de drôles de sons : "il y avait des bruits de pas, lents, très lents. Je suis alors monté à l’étage pour vérifier mais je n’ai vu personne". De nos jours, lors de visites guidées avec des touristes, la gardienne des lieux a, elle aussi, entendu des chuchotements alors que la lumière était éteinte. Sans pour autant voir le spectre de Mathilde.
Au premier étage de la bâtisse se trouve la chambre rose avec à l’intérieur, un lit à baldaquin et des vieux tableaux. Un peu comme la non moins célèbre chambre verte du château des Noyers (Calvados) , elle abrite des phénomènes étranges. Des objets qui volent, du bruit, des coups…. Tout ceci a débuté au XXe siècle avec la famille Delarue, alors propriétaire de l’édifice. Une nuit, la fiancée de Charles, l’un des fils de la famille Delarue n’a pas pu fermer l’oeil.
"Près de la cheminée, les pincettes à feu s’étaient mises à claquer toutes seules, et des tableaux à se retourner. Choquée, la dulcinée rompit ses fiançailles.", raconte Jacqueline Charpentier Caffin à nos confrères de Géo Magazine. Un exorcisme a même été pratiqué en 1921. En vain. Personne n’a aujourd’hui percé ce mystère.
Autre légende : celle de la Garrache, une femme qui se changerait en loup-garou les soirs de pleine lune. Le 1er janvier 1884, Roger Saborreau, un braconnier, aperçoit une femme louve avec des yeux jaunes dans la forêt. Pris de panique, il lui tire dessus et prend la fuite. Le lendemain, il revient sur les lieux et se rend-compte que cette « bête abattue » était en réalité… son épouse.
Si aujourd’hui plus personne ne vit dans l’abbaye, ce n’est pas un lieu oublié pour autant. Chaque année, des spectacles et des animations ont lieu dont la fameuse Nuit des fantômes. Il est également possible de visiter le « musée des légendes et fantômes » dans les sous-sols de l’abbaye.
Le lac maudit de Flers
Tout démarre donc au XVIIe siècle. À cette époque, existe dans un bois situé à quelques encablures de Flers, un prieuré fondé par un pêcheur désireux de se repentir. Des moines y vivent et firent des lieux un endroit riche et luxueux où des habitants (et surtout des femmes) pouvaient s’y rendre. Régulièrement, au cœur de cet édifice religieux, avaient lieu des soirées… pas très catholiques, où la luxure et la gourmandise régnaient.
La veille de Noël, à minuit, la cloche qui, d’ordinaire, se faisait entendre à cette heure pour appeler les fidèles à la messe, commença a sonner toute seule. Il y eut alors, dans le réfectoire, un moment d’effroi. À ce moment là, l’un des hommes d’Église décida de trinquer à la santé de Dieu. Il aurait lancé : "Entendez-vous la cloche, frères et sœurs ? Christ est né, buvons rasade à sa santé !".
Tout d’un coup, des coups de tonnerre retentirent et le ciel s’assombrit. La foudre s’abattit sur le monastère qui se fracassa dans la terre pour laisser place à un lac. De ce petit plan d’eau, on entendit les cloches sonnées jusqu’au petit matin. Puis plus rien.
"On appelle ça le Gouffre de Flers" précise Hugues Mennez, guide conférencier national. Aujourd’hui, tout ça n’existe plus. Il n’y a aucun vestige de ce monastère.
Cette histoire a d’abord été racontée par Amélie Bosquet dans son ouvrage La Normandie romanesque et merveilleuse ; traditions, légendes et superstitions populaires de cette province, paru en 1845. Même si elle reste peu connue, certains n’osent pas s’aventurer dans ce bois le jour de Noël : les cloches sonneraient à l’endroit où les moines disparurent. C’est pendant le son de ces cloches que les damnés s’offriraient un moment de répit dans leur vie aux enfers.
Le bateau fantôme de Dieppe
Dans le quartier du Pollet à Dieppe, l'histoire de Belle Rosalie, un bateau fantôme qui viendrait hanter les pêcheurs et les habitants le jour de la Toussaint, effraie les habitants depuis des siècles. Dans le quartier du Pollet à Dieppe, une légende a traversé les siècles.
Cette histoire a-t-elle inspiré le scénariste du film Pirate des Caraïbes, avec son bateau fantôme? C’est en tout cas ce qu’on pourrait penser à la lecture de ce récit. Depuis des siècles, la légende raconte que dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des habitants du quartier du Pollet, ont entendu un drôle de bruit. Ils ont alors aperçu un chariot tiré par huit chevaux blancs. Un spectacle maudit puisque tous ceux qui osaient regarder l’attelage pouvaient mourir !
Le lendemain, jour de la Toussaint, la mer était déchaînée. Tout d’un coup, le guetteur du sémaphore aperçut au loin, un imposant bateau aux grandes voiles blanches. En regardant de plus près, il s’est rendu compte qu’il s’agissait de "La Belle Rosalie", un trois mâts. Celui-ci a été totalement détruit lors d’une tempête… un an auparavant. Des restes du navire avaient même été retrouvés sur la plage.
Puis, le bateau approcha des côtes dieppoises, et la mer s’assagit pour laisser place à un épais brouillard qui traversa la commune. L'histoire de La Belle Rosalie fait partie des légendes urbaines au cœur du quartier du Pollet à Dieppe.
Comme de nombreuses légendes urbaines, de grands malheurs arrivaient à ceux qui osaient regarder ce bateau fantôme. Les habitants du quartier du Pollet fermaient d’ailleurs portes et fenêtres pour ne pas se laisser tenter par la vision de ce spectre. De leur côté, les pêcheurs n’allaient pas chercher leurs victuailles en mer ce jour-là. Pour cause : ils étaient condamnés à ne remonter que les ossements des marins disparus "dont l’âme était toujours coincée".
Difficile de dater cette légende "mais selon les archives, on la raconte depuis les années 1800". De nos jours, elle fait encore beaucoup parler dans la région, et nourrit quelques ouvrages littéraires comme celui de Robert de la Croix Vaisseaux fantômes. Certains habitants continuent même à fermer leurs fenêtres le jour de la Toussaint. On ne sait jamais : "La Belle Rosalie" peut refaire surface et lâcher des sorts sur son passage.